La grammaire de la proximité
Le développement des analyses de la proximité a donné lieu, depuis le début des années 90,
à une pluralité de définitions des formes de proximité, qui s’articulent toujours autour de deux dimensions :
: pour le dire rapidement, une dimension d’essence spatiale et une autre d’essence non spatiale.
Aujourd’hui le débat s’est focalisé autour de deux approches, qui présentent des différences en fonction
de la place accordée aux institutions. La première effectue une distinction entre trois types de proximité,
respectivement appelées géographique, organisationnelle, et institutionnelle. La seconde, à laquelle j’adhère
et sur laquelle je travaille, repose sur une distinction entre deux catégories de proximités, respectivement
nommées proximité géographique et proximité organisée (Torre, 2010 ; Torre & Wallet, 2014).
La proximité géographique traduit la distance kilométrique entre deux entités (individus, organisations, villes...),
pondérée par le coût temporel et monétaire de son franchissement. Elle a deux propriétés essentielles.
Elle est tout d’abord de type binaire : il existe d’infinies graduations (plus ou moins loin de, plus ou moins près de)
mais l’examen de la proximité géographique a in fine pour objet de savoir si on est « loin de » ou « près de ».
Elle est ensuite doublement relative. Primo, la distance géographique, qui fonde le partage entre proximité et éloignement,
est relative aux moyens de transport et à la topologie des lieux. On pondère la distance kilométrique par le temps et/ou le
coût de transport. Secundo, la proximité n’est pas qu’une donnée objective. Elle procède en dernier ressort d’un jugement
porté par les individus ou les groupes sur la nature de la distance géographique qui les sépare, pour les réduire à l’énoncé
selon lequel on se trouve près ou loin de. Or cette perception est variable selon l’âge, le groupe social, le sexe,
la profession. Enfin, la Proximité Géographique peut être Permanente ou Temporaire. Dance dernier cas, l’espace compte,
mais d’une manière renouvelée, qui est celle de la rencontre ponctuelle. La Proximité Géographique Temporaire correspond
ainsi à la possibilité de satisfaire le besoin de contacts de face à face, grâce au déplacement des acteurs entre différentes
localisations. Ces mobilités favorisent la naissance de moments de Proximité Géographique, dont la durée peut varier mais qui
sont toujours limités dans le temps.
La proximité organisée n’est pas d’essence géographique mais relationnelle. Par proximité organisée, on entend
la capacité qu’offre une organisation de faire interagir ses membres. L’organisation facilite les interactions en son sein,
en tous cas, les rend a priori plus faciles qu’avec des unités situées à l’extérieur de l’organisation.
Deux raisons majeures l’expliquent. D’une part, l’appartenance à une organisation se traduit par l’existence
d’interactions entre ses membres. C’est la logique d’appartenance de la proximité organisée : deux membres d’une
organisation sont proches l’un de l’autre parce qu’ils interagissent et que leurs interactions sont facilitées par
les règles ou routines de comportement (explicites ou tacites) qu’ils suivent. D’autre part, les membres d’une organisation
peuvent partager un même système de représentations, ou ensemble de croyances, et les mêmes savoirs.
Ce lien social est principalement de nature tacite. C’est ce que nous appelons la logique de similitude de
la proximité organisée. Deux individus sont dits proches parce qu’ils « se ressemblent », i.e. partagent un même
système de représentations, ce qui facilite leur capacité à interagir.